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1 août 2013

Sortir de l’euro, sortir de l’histoire

Euro L’euro, « voilà l’ennemi ». A entendre les têtes « pensantes » du Front national comme du Front de gauche, l’euro serait responsable de tous nos maux : la hausse des prix, la perte de compétitivité de la France, l’absence de reprise économique. Conclusion immédiate de ceux qui se rêvent en fossoyeurs de la monnaie unique : il faut en sortir et vite !

Oui mais moi ça me gène, et pas seulement parce que je crains que ma grand-mère ne grille une durite si on lui demande de changer encore de monnaie. Non vraiment, ça me gène car j’ai l’impression que les arguments des anti-euros tiennent mal la route.

1) L’euro, responsable de la hausse des prix : c’est faux. Comme chacun, j’ai le sentiment que certains prix ont flambé, et que le carambar (oui, j’assume) que j’achetais 1 franc en 2001, je le payais 1 euro deux ans plus tard. Seulement voilà, l’INSEE a montré en 2003 que lors du passage, les prix avaient augmenté de 0,16% : une hausse, donc, mais rien de vraiment spectaculaire.

En longue période, c’est même l’inverse : les prix en France ont progressé en moyenne de 1,7% entre 2002 et fin 2012 (soit une hausse cumulée de 21,0% sur onze années), contre 1,9% par an durant la période 1990-2001 (22,85% en cumulé sur onze années). En clair, les prix montaient plus vite avant l’euro qu’après. « C’est normal, les prix avaient déjà commencé à monter fortement pendant la période précédant l’euro » ? Bah non : entre 1998 et 2001, les prix ont grimpé de 1,1% par an.

Pourquoi alors, s’il n’y a pas eu de hausse des prix, en avons-nous le sentiment ? Parce que les prix de nos dépenses contraintes ont en effet augmenté : logement, transports et alimentation. Sans que l’euro n’y soit pour grand-chose, les explications sont plutôt à chercher dans la bulle immobilière, la hausse des cours du pétrole et le manque de concurrence dans le rail, ainsi que la hausse des cours mondiaux des matières premières et les marges du commerce et de la grande distribution. Le vrai problème est que ces dépenses contraintes représentent entre un tiers et la moitié du budget des familles de ce pays : les plus pauvres ressentent plus fortement cette hausse des prix. Pour autant, accuser l’euro est franchement malhonnête, mieux vaudrait demander des comptes aux commerçants, ou encore diminuer notre dépendance énergétique.

 

2) L’euro, responsable de notre perte de compétitivité : tout aussi faux. Selon le rapport Gallois, dernière expertise en date sur la compétitivité de notre pays, « la France a peu de facteurs différenciants et elle est de ce fait très exposée à la concurrence par les prix, alors même que ses coûts sont relativement élevés – à l’exception du coût de l’énergie – par rapport aux autres pays européens. Pour la même raison, elle a été particulièrement sensible à la hausse de l’euro tout au long de la décennie écoulée. »

Conclusion malhonnête : Louis Gallois dit lui-même que la hausse de l’euro a pénalisé notre industrie. Conclusion honnête : ce n’est pas la hausse de l’euro qui est le problème, c’est le fait que nous n’avons pas de facteurs différenciants et que nos coûts sont trop élevés. Il est toujours plus difficile d’être honnête et toujours plus simple d’accuser quelque chose qui nous est extérieur (la hausse de l’euro) d’une situation qui est en fait de notre responsabilité : nos choix industriels, notre capacité à innover, notre système de financement de l’économie, notre marché du travail.

 

3) L’euro, obstacle à la reprise économique : oui mais non. C’est vrai que si l’on était encore seul à décider de notre politique monétaire, nous aurions pu déprécier notre monnaie, voire la dévaluer, ce qui aurait pu rendre nos exportations plus intéressantes pour les étrangers et aider à relancer l’économie. Mais ce n’est pas non plus l’instrument magique : dévaluer augmente les prix de nos importations (notamment les prix de l’énergie), et crée de l’inflation, hausse des prix néfaste pour les ménages, à moins d’augmenter les salaires, ce qui diminuerait… la compétitivité de nos exportations. Sans compter que nos partenaires ne seraient certainement pas restés les bras croisés, et auraient eux aussi dévalué, annulant l’effet positif sur nos exportations.

Enfin, n’importe qui d’un peu honnête reconnaîtrait que l’euro nous a permis, depuis dix ans, d’emprunter à des taux bas. Les marchés, malgré notre invraisemblable capacité à laisser nos finances publiques dans le rouge, nous ont fait confiance car ils croyaient en notre monnaie. Qu’adviendrait-il de la crédibilité de la France sur les marchés, si elle n’avait pas l’euro ? Je doute qu’un économiste sérieux soit capable de répondre à la question. Trop facile et trop dangereux, donc, de faire de la sortie de l’euro la base d’une politique économique.

 

Mais l’essentiel, pour qui veut croire en l’avenir, n’est pas là. Renoncer à l’euro, ce serait expliquer au monde, et à ceux qui y viendront après nous, que nous n’avons plus envie d’être ensemble. Avouer que nous n’avons plus la force de sauver le projet Europe, certes pétri d’imperfections et fragilisé par la crise, mais qui est la plus belle fleur qui a repoussé sur les champs de bataille de 1945. Dire à Hugo, Briand, Monnet, Schuman et tous les autres : « désolé, mais en fait c’est trop dur ». Rester comme ceux qui ont renoncé, parce qu'ils ont eu peur.

Il y a mille choses à faire pour réparer l’Europe, la rendre plus efficace et plus démocratique. Revoir le champ de ses compétences, lui fixer des mandats plus clairs pour qu’elle serve la compétitivité des pays d’Europe et ne soit pas un boulet face aux Etats-Unis et à la Chine, permettre à certains pays d’avancer plus vite dans l’intégration et arrêter de tout (ou plutôt de ne rien) décider à 27. L’Europe a besoin de temps, d’une ligne politique claire, et que l’on croit en elle.

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