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Le 16 juillet dernier, le ministre de l'Education nationale pouvait fièrement annoncer que 5 000 étudiants de plus avaient été admis aux concours d'enseignant des 1er et 2e degrés, signe d'un "fort regain d’intérêt pour les métiers du professorat et de la capacité retrouvée de l’éducation nationale à recruter des enseignants".

Le raisonnement n'est pas forcément évident, car après tout il suffirait de baisser la difficulté des concours pour recruter plus de profs. Ce qui pourrait bien être le cas, à en croire L'Express, qui explique que les barres d'admissibilité au concours de professeur des écoles (pas le même concours, donc) se situent entre 4 et 7/20, car trop peu de candidats parviendraient à sauter une barre à 10. Désolant pour les écoliers? Alarmant pour le niveau de notre système éducatif? L'école, "fabrique de crétins" (1), de défiance (2) et d'inégalités? Peut-être.

Mais il y a une bonne nouvelle : il se trouve encore des gens pour vouloir enseigner. C'est la seule statistique qui donne vraiment de l'espoir dans le communiqué de presse de Vincent Peillon : +10,3% de présence aux épreuves pour le premier degré et +13% pour le second degré. Et même si cette hausse statistique n'était faite que de jeunes qui ont besoin de trouver rapidement un emploi rémunéré, il y a plus de 10 000 hommes et femmes qui veulent chaque année s'engager dans cette voie.

Sur le papier, surtout celui qu'on reçoit à la fin du mois, cela n'a aucun sens : d'après l'OCDE (3), le salaire annuel moyen d'un professeur de collège français est inférieur à celui de ses collègues allemands, anglais, espagnols, italiens, suédois,... et ce en début de carrière comme après 15 ans d'exercice. 2 300 euros par mois après 15 ans de bons et loyaux services, c'est moins que le salaire moyen des Français (2 410€). C'est plus que 70% des salariés français, mais l'on peut se demander si c'est bien à 2 300 euros que l'on évalue l'apport économique et social des enseignants. En tout cas, rien d'incroyable sur la feuille de paye.

Et en terme de cadre de travail? Le ministère parle de 10 accidents graves (violences verbales et physiques) pour 1000 élèves, dont 60% visent les professeurs et personnels des collèges et lycées. Et en terme de reconnaissance? Un sondage Ipsos "Les Français et l'école" révélait en septembre 2011 que plus du tiers des Français estimaient que les profs n'étaient plus capables d'apporter les savoirs de base aux enfants. On s'éloigne de l'admiration de Péguy pour ses "hussards noirs". Et en terme de satisfaction personnelle? La même enquête montre que 64% des Français encourageraient leur enfant dans son désir d'être enseignant, mais que moins d'un prof sur deux en ferait de même avec son fils ou sa fille...

Et pourtant, il s'en trouve encore qui veulent y croire. Croire que transmettre un savoir est leur devoir, leur vocation. Croire qu'ils ont quelque chose à apporter aux élèves, quelque chose qui leur sera utile pour comprendre le monde. Répondre, en fait, à la question d'Hannah Arendt dans La crise de la culture, en témoignant que oui, "nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d'entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n'avions pas prévu, mais les préparer d'avance à la tâche de renouveler un monde commun".

Plus que tout autre, ils ont besoin de cette conviction, de cet élan, le sentir au moment de se lancer dans l'aventure de l'enseignement, et le retrouver 10, 15, 30 ans plus tard. Ils ont besoin aussi, sans doute, d'être aidés, qu'on leur témoigne confiance, respect et plus tard reconnaissance. Ces témoignages sont sans doute ce qui leur permet de garder allumée l'espérance en eux.

Ce n'est pas parce que nous pensons que l'école ne parvient plus à jouer son rôle que nous devons cesser d'admirer ceux qui y croient encore et donnent leur vie pour cet espoir. On connaît moins la suite de la citation de Péguy, dans L'Argent, sur les hussards : "Il faut dire qu’ils entendaient former [le peuple]. Ils en avaient le droit, car ils en étaient dignes. Ils n’y ont point réussi, et ce fut un grand malheur pour tout le monde. Mais s’ils n’y ont point réussi, je ne vois pas qui pourrait s’en féliciter. Et qui, à leur place, y a jamais réussi. Et s’ils n’ont pas réussi, c’est certainement que c’était impossible." Il faut pourtant qu'ils continuent à tenter l'impossible, et pour les autres, que nous continuions à croire en eux.

(1) La Fabrique du crétin : la mort programmée de l'école, Jean-Paul Brighelli, Essais, Jean-Claude Gawsewitch

(2) La Fabrique de la défiance, Algan, Cahuc et Zylberberg, Albin Michel

(3) http://www.oecd.org/fr/edu/apprendre-au-dela-de-l-ecole/48640628.pdf

Profs, envers et contre tout

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